Les neurones miroir…
Ce qui peut troubler le plus dans ce magma de visuels qui nous envahissent, c’est cette avalanche d’images reflétant la souffrance, souvent la mort. Des images de guerre, de famine, des images qui nous accompagnent dans nos repas même, pour les personnes qui ont pris l’habitude de manger devant la télé, le journal télé ou les chaînes d’information continue, précisément.
Les neurosciences s’y intéressent désormais. Une nouvelle branche, s’appelle justement «neurosciences sociales». On y étudie le fonctionnement du cerveau, concrètement les réseaux de neurones ou les zones du cerveau qui sont activées, lors des comportements sociaux. Lors d’une interaction entre deux personnes, par exemple.
Et, l’une des découvertes qui m’a le plus interpellée et marquée, est la suivante : lors d’une interaction entre deux personnes, si la première éprouve une souffrance ou des émotions quelconques (ça peut être la joie aussi) eh bien, la deuxième personne va activer le même réseau de neurones initié chez la première. Ainsi, ces neurones fonctionnent comme un miroir. Je souffre, l’autre ressent de la souffrance. Je suis heureux, l’autre ressent du bonheur. Les émotions sont contagieuses, ceci est validé et confirmé scientifiquement.
Ce qui est révolutionnaire dans ce que je viens de citer, c’est qu’il s’agit de phénomènes biologiques. Il ne s’agit pas de dire telle personne éprouve de la compassion. La compassion est désormais biologiquement expliquée et observable même, via les technologies de l’imagerie médicale. Plus encore, la compassion ou, autrement, ce processus ou effet miroir (dans les réseaux de neurones activés chez deux personnes en interaction sociale) est le fonctionnement par défaut. C'est-à-dire que c’est la tendance naturelle ou innée.
Autrement dit, dans des conditions expérimentales neutres, nous sommes portés à la compassion. Quand je vois quelqu’un qui souffre, je m’arrête et j’agis. Parce que j’ai ressenti sa souffrance. Sous entendre « ressenti » sur le plan physique.
Je souffre, l’autre ressent de la souffrance. Je suis heureux, l’autre ressent du bonheur. Les émotions sont contagieuses, ceci est validé et confirmé scientifiquement.
Pour que les neurones miroir soient activés, une chose est nécessaire :
faire attention. S’arrêter et se concentrer sur ce que l’on voit.
Plus encore, la compassion ou, autrement, cet effet miroir est le fonctionnement par défaut. C'est-à-dire que c’est la tendance naturelle ou innée.
Récapitulons donc
La compassion se traduit biologiquement par des neurones miroir, activés quand le sujet se concentre sur l’autre …
L’activation des neurones miroir se fait par défaut.
Enfin, Il parait que les sérials killers présentent des lésions au niveau des ces réseaux-là. Ils ne ressentent rien en tuant. Des tests le prouvent…le chaînon manquant entre psychologie (intangible) et preuves scientifiques biologiques (tangibles) est, peut-être, enfin là.
Maintenant que le processus est clair et compréhensible, la question naturelle à se poser semble être la suivante : comment expliquer notre indifférence collective à tellement d’images de souffrance… ?
Pourquoi la violence gratuite ?
Et si on pensait collectivement à interdire tous ces films de violence gratuite ? Tous ces jeux vidéo qui inhibent les cerveaux de nos enfants et les rendent indifférents à la violence ? Partout dans notre monde, la violence est devenue fond de commerce. Banalisée sur nos écrans, la violence est la plus dangereuse car nous devenons insensibles à elle.
Trop d’images… tuent l’image ?
La mémoire visuelle est la plus forte et la vue est beaucoup plus étroitement liée au cerveau limbique, celui des émotions, que la raison. Seulement voilà : peut-être que trop d’images, tuent l’image. On ne regarde sans regarder. A force de regarder ces images d’une atrocité inouïe, en temps normal, elles finissent par passer inaperçues, enfouies parmi celles des yaourts ou des pâtes qu’on nous vend dans les séquences de pub.
Pour que les neurones miroir soient activés, une chose est nécessaire : faire attention. S’arrêter et se concentrer sur ce que l’on voit. Sortir de sa petite personne et de ses petits soucis personnels, et -bien- regarder l’autre.
Un changement radical peut alors se produire dans nos sociétés, si (et seulement si) chacun d’entre nous prend le temps de s’arrêter et de faire attention. En s’arrêtant, on donne la possibilité (innée et naturelle) à nos réseaux de neurones miroir de fonctionner. Le reste suit.
Il suffit que quelqu’un focalise son attention et remarque quelque chose qui ne va pas, pour que d’autres et d’autres fassent la même chose. C’est utopique peut-être mais cela semble être une des meilleures pistes vers un progrès réel de l’humanité. L’humanité est, d’ores et déjà, outillée pour cela car, rappelez-vous, les neurones miroir fonctionnent par défaut… ■