Le but de ce travail est d??tudier la faisabilit?, l?efficacit? et la
s?curit? du traitement coelioscopique des p?ritonites par perforation
d?ulc?re duod?nal.
Cent soixante patients ont ?t? trait?s par
voie coelioscopique pour un ulc?re duod?nal perfor?. Le geste a
consist? en une suture de la perforation ulc?reuse associ?e ? une
toilette p?riton?ale.Un traitement m?dical visant l?Helicobacter pylori
associ? ? un inhibiteur de la pompe ? protons est instaur?
syst?matiquement.
La voie coelioscopique a permis de
confirmer le diagnostic d?ulc?re perfor? dans tous les cas. Une suture
simple de l?ulc?re est r?alis?e dans 155 cas. La conversion a ?t?
cependant n?cessaire dans 5 cas, pour des difficult?s de la toilette
p?riton?ale dans 2 cas, une h?morragie associ?e au niveau de l?ulc?re
dans 1 cas et une st?nose dans 2 cas.La dur?e op?ratoire moyenne est de
90 min (extr?mes 50 ? 120 min). Le taux de complication post ?
op?ratoires est de 3,1 %. Il s?agit d?une p?ritonite post ? op?ratoire
dans 3 cas et d?une fistule digestive bien dirig?e dans 2 cas.Tous les
patients ont ?t? revus ? distance avec un recul de 16 mois.Une r?cidive
clinique et / ou endoscopie est survenue dans 4 cas inh?rente ? une
mauvaise observance du traitement m?dical.
La suture par voie coelioscopique de
l?ulc?re duod?nal perfor? est une m?thode s?re et efficace. Elle permet
d??viter une laparotomie, source potentielle de complications septiques
et pari?tales. L?efficacit? actuelle du traitement m?dical ne devrait
laisser aucune place ? un traitement radical de la maladie ulc?reuse.
Malgr?
l?efficacit? du traitement m?dical par les inhibiteurs de la pompe ?
protons, associ? ? l??radication de l?H?licobacter pylori, le taux de
perforation de l?ulc?re duod?nal reste stable aux alentours de 10 %.
Les p?ritonites par perforation d?ulc?re duod?nal repr?sentent environ
3 % des urgences abdominales. Ces possibilit?s de contr?le m?dical de
la s?cr?tion acide ont cependant permis de simplifier la prise en
charge chirurgicale des perforations ulc?reuses en privil?giant le
traitement de la perforation au d?triment de la maladie ulc?reuse. D?s
lors, la laparoscopie a pu trouver un nouveau champ d?application,
depuis le d?but des ann?es 1990, date des premi?res interventions
r?alis?es sous laparoscopie. Cette approche a pu progressivement
s?imposer dans l?arsenal th?rapeutique. Si la faisabilit? de la
laparoscopie dans ce domaine est certaine, l?appr?ciation des r?sultats
est difficile car les s?ries sont le plus souvent limit?es.
MALADES ET M?THODES
Il s?agit d?une ?tude r?trospective men?e dans le service de
chirurgie g?n?rale de l?h?pital Habib Thameur de Tunis.De janvier 1999
? d?cembre 2006, 160 patients s?lectionn?s ont ?t? op?r?s par voie
coelioscopique pour un ulc?re duod?nal perfor?. Ils avaient un ?tat
h?modynamique stable, un pass? ulc?reux r?cent ou absent, sans tare
majeure et sans sepsis grave. Il s?agissait de 139 hommes et de 21
femmes, ayant un ?ge moyen de 32 ans. Tous avaient un tableau de
p?ritonite. Un pneumop?ritoine ?tait visible sur l?examen radiologique
sans pr?paration chez 110 malades, soit dans 68,75 % des cas. 20
patients avaient un ulc?re document? ?voluant en moyenne depuis 4 ans.
48 avaient des ant?c?dents d??pigastralgies cycliques. Tandis que la
perforation ?tait inaugurale chez 92 malades.Le d?lai moyen entre la
douleur initiale et l?intervention ?tait de 6 heures (1?40 heures). Les
patients ?taient op?r?s sous anesth?sie g?n?rale. Une sonde
d?aspiration gastrique et une sonde urinaire ?taient mises en place.Des
antibiotiques associant une B?ta ? lactamine : un aminoside et le
m?tro? nidazole ?taient administr?s ? l?induction. Le patient ?tait
install? en d?cubitus dorsal, les jambes ?cart?es, l?op?rateur entre
les jambes, l?aide et l?instrumentiste ? gauche du malade, l??cran ? sa
droite. Un capnom?tre permettait de surveiller la saturation en CO2. Le
pneumop?ritoine ?tait cr?? apr?s introduction du premier trocart sous
contr?le de la vue (open coelioscopie). Il ?tait maintenu ? une
pression de 12 ? 14 mmHg.
Quatre trocarts ?taient utilis?s dont deux de 10 mm, l?un au niveau de
l?ombilic et l?autre para - ombilical gauche. Les deux autres trocarts
de 5 mm ?taient install?s l?un au niveau de l??pigastre et l?autre ? la
limite entre la fosse iliaque droite et le flanc droit. L?exploration
coelioscopique a permis de pr?ciser le degr? de la p?ritonite, de la
rattacher ? la perforation ulc?reuse, dont les caract?res ?taient
pr?cis?s. En cas de p?ritonite tr?s ?volu?e avec des fausses membranes,
d?abc?s inter ? m?sent?riques ou d?une distension importante du gr?le,
une conversion en laparotomie ?tait r?alis?e. Un pr?l?vement
bact?riologique de l??panchement ?tait r?alis? au d?but de
l?intervention. La toilette p?riton?ale ?tait faite au s?rum
physiologique chaud en utilisant les diff?rents trocarts pour la canule
d?irrigation et en modifiant la position du malade. La perforation
?tait sutur?e par 1 ou 2 points en x ou simples confectionn?s en
intracorporel avec un fil ? r?sorption lente (Vicryl? 00). Une
?piploplastie de renforcement par suture d?une partie de l??piploon
autour de la perforation ?tait laiss?e au choix de l?op?rateur. Le
drainage ?tait r?alis? au moyen d?un drain aspiratif de type Redon, mis
en place en position sous ? h?patique.Dans tous les cas, une sonde naso
? gastrique ?tait laiss?e en aspiration pendant deux jours en moyenne.
L?antibioth?rapie ?tait d?but? en pr? ? op?ratoire, associ? ? un
inhibiteur de la pompe ? protons (Om?prazole 40 mg /j). Ils ?taient
maintenus par voie parent?rale jusqu?? la reprise de l?alimentation
orale. Des antalgiques morphiniques ou non, ?taient administr?s en
post-op?ratoire.Le patient ?tait mis syst?matiquement sous traitement
visant ? ?radiquer l?H?licobacter pylori (amoxicilline, m?tronidazole)
pendant une semaine, om?prazole 40 mg/j pendant une semaine puis 20
mg/j pendant les trois semaines suivantes. A sa sortie, il ?tait
inform? de la n?cessit? de suivre les r?gles hygi?no-di?t?tiques et de
s?abstenir de la consommation de m?dicaments gastrotoxiques. Tous les
malades ?taient revus ? six semaines apr?s l?intervention pour un
interrogatoire, un examen clinique ? la recherche d?une r?cidive
ulc?reuse, avec un contr?le endoscopique et des biopsies.
R?SULTATS
Le diagnostic de p?ritonite par perforation d?ulc?re ?tait pos?
d?embl?e chez 155 malades. Trois malades ?taient op?r?s avec le
diagnostic d?appendicite aigue devant une d?fense localis?e au niveau
de la fosse iliaque droite. Une coelioscopie diagnostique ?tait
pratiqu?e, dans deux cas, devant une incertitude diagnostique. 137
patients avaient une p?ritonite purulente g?n?ralis?e de l?abdomen,
alors que 23 n?avaient qu?un ?panchement localis?, sous phr?nique droit
et sous ? h?patique. Des fausses membranes ?taient pr?sentes dans 146
cas. La perforation ?tait situ?e dans 154 cas sur la face ant?rieure du
premier duod?num et dans 6 cas, au bord sup?rieur du bulbe. Son
diam?tre ?tait de 4 mm en moyenne (extr?mes 2 ? 20 mm). Cinq
conversions ?taient n?cessaires, pour des difficult?s de la toilette
p?riton?ale dues ? des adh?rences dans 2 cas, un saignement au niveau
de l?ulc?re dans un cas et pour une st?nose associ?e dans 2 cas. Une
suture simple ?tait r?alis?e dans 155 cas, associ?e ? une ?piploplastie
dans 14 cas. Dans les 2 cas de st?nose bulbaire associ?e, une suture de
l?ulc?re, une bivagotomie tronculaire et une gastroent?ro- anastomose
?taient r?alis?es. Dans 3 cas, une bi?vagotomie, pyloro-plastie avec
une excision de l?ulc?re ?taient effectu?es par voie m?diane apr?s
conversion. La dur?e de l?intervention ?tait en moyenne de 90 mn
(extr?mes : 50- 120). Les deux tiers du temps op?ratoire ?taient
consacr?s ? un lavage au s?rum physiologique, ? raison de 3 litres en
moyenne. Aucune complication per-op?ratoire n??tait survenue chez les
malades trait?s par suture simple. Le transit ?tait repris en moyenne 3
jours, apr?s l?intervention avec des extr?mes de 2 ? 5 jours. La sonde
gastrique ?tait retir?e en moyenne apr?s 2 jours. Le drainage
aspiratif, mis en place chez tous les malades ?tait enlev? en moyenne ?
j3 post-op?ratoire. L?alimentation orale progressive ?tait reprise au
3?me jour. La dur?e moyenne de s?jour ?tait de 4 jours (extr?mes 3 ? 6
jours). La mortalit? post-op?ratoire ?tait nulle. La morbidit? ?tait de
3,1% avec une p?ritonite post ? op?ratoire par l?chage de suture dans 3
cas. Elle avait n?cessit? une reprise chirurgicale par voie m?diane
pour r?aliser une fistulisation dirig?e, exclusion pylorique, gastro ?
ent?ro - anastomose dans 2 cas et une nouvelle suture dans 1 cas. Une
fistule digestive bien dirig?e, survenue dans 2 cas, avait bien ?volu?
sous traitement m?dical.Aucune complication pari?tale n??tait not?e
chez les malades trait?s par laparoscopie. Les malades ? actifs ?
reprenaient leurs activit?s professionnelles en moyenne un mois apr?s
l?intervention.Tous les malades ?taient revus ? distance, le recul
moyen ?tait de 16 mois. Une r?cidive clinique et / ou endoscopique
?tait survenue dans 4 cas, inh?rente ? une mauvaise observance du
traitement m?dical. Une deuxi?me cure de trith?rapie, ?tait ainsi
instaur?e permettant une cicatrisation de l?ulc?re dans tous les cas.
DISCUSSION
En plus du traitement de la p?ritonite, trois possibilit?s s?offrent
aux chirurgiens pour traiter une perforation d?un ulc?re duod?nal. La
suture simple ne traite, en principe que la perforation. Les vagotomies
associ?es ? un geste de drainage traitent ? la fois la perforation et
la maladie ulc?reuse sousjacente. La gastrectomie est devenue pour la
plupart des chirurgiens une m?thode d?exception.La coelioscopie, en
raison de ses nombreux avantages, a pris une place privil?gi?e dans le
traitement de l?ulc?re duod?nal perfor?. Cette approche permet de
confirmer le diagnostic, de r?aliser une toilette p?riton?ale de fa?on
plus efficace que la laparotomie (1, 2) et ?ventuellement d?assurer la
cure chirurgicale de l?ulc?re.En tenant compte du jeune ?ge, de la
fr?quence des syndromes ulc?reux anciens, de l?efficacit? des
conditions socio ? ?conomiques de la plupart de nos patients et de la
disponibilit? hospitali?re du traitement m?dical anti ? ulc?reux, nous
sommes partisans depuis une dizaine d?ann?es de la strat?gie
chirurgicale bas?e sur le traitement de la perforation uniquement. En
effet, il est actuellement possible de r?aliser un traitement d?finitif
de la maladie ulc?reuse par voie coelioscopique. De nombreux auteurs
ont reproduit sous laparoscopie, diff?rents gestes, habituellement
r?alis?s par voie classique. Il s?agit de la vagotomie tronculaire
associ?e ? un geste de drainage ou d?une vagotomie hyper ? s?lective
(VHS) avec une suture de la perforation (3). Cadi?re et al. (3, 4) ont
rapport? 14 cas de p?ritonite par perforation d?ulc?re trait?s par
suture de la perforation associ?e ? une vagotomie hyper ? s?lective
sous coelioscopie. Ces techniques demeurent, toutefois difficiles ?
mettre en oeuvre en urgence. Elles sont souvent longues, dot?es d?un
taux ?lev? de conversion et de morbidit?. Pour certains auteurs, la
cure de la maladie ulc?reuse au m?me temps op?ratoire est discutable
(1, 5). Il existe un risque de contamination septique du m?diastin
inf?rieur lorsque l?orifice hiatal est abord? dans un contexte de
p?ritonite. Ce risque serait major? par le pneumop?ritoine (1, 6). La
r?alisation d?une vagotomie peut ?tre grev?e de diff?rentes
complications post ?op?ratoires ? type de gastropl?gie, de diarrh?e ou
de Dumping syndrome (7). Ce risque conjugu? surtout aux progr?s
r?alis?s dans le traitement m?dical de l?ulc?re a conduit de
nombreuxauteurs ? se contenter de la suture de l?ulc?re perfor?.
L?orifice peut ?tre obtur? par le grand ?piploon (8, 9), le ligament
rond(10) ou simplement sutur?. Ce traitement est imp?rativement associ?
? un traitement m?dical sp?cifique de la maladie ulc?reuse.En fait, ce
sch?ma th?rapeutique ne fait que reproduire l?ancienne m?thode
conservatrice de Taylor am?lior?e par la suture et la toilette
p?riton?ale. Le risque de r?cidive est de 50 ? 80 % en l?absence de
traitement m?dical (11, 12). Ces r?cidives conduisent ? des reprises
?volutives douloureuses et peuvent ?tre compliqu?es d?h?morragie, de
st?nose ou de perforation it?rative dans 10 ? 30 % des cas (11,12,13).
Actuellement, le traitement m?dical visant la maladie ulc?reuse et
l?H?licobacter pylori, a donn? des r?sultats satisfaisants.Dans notre
?tude, le taux de conversion a ?t? de 3,1 %, soit 5 dans cas. Balique
et al. (14) ont rapport? un taux de conversion de 46 %, alors que le
Belgium Group for Endoscopic Surgery (15) a rapport? un taux de 7 %, o?
seules des sutures ont ?t? r?alis?es. Ce taux varie en fonction de la
population ?tudi?e et du choix th?rapeutique. La conversion peut ?tre
?vit?e par un diagnostic pr?coce.La dur?e moyenne de l?intervention a
?t? de 90 minutes, avec des extr?mes de 50 ? 120 minutes. Dans la
litt?rature, le traitement qui se limite ? celui de la perforation a
une dur?e op?ratoire moyenne de 68 minutes (extr?mes : 35 ? 120
minutes) (1). Ce temps op?ratoire peut ?tre r?duit avec l?acquisition
d?une grande exp?rience dans la r?alisation des sutures et des noeuds
et l?utilisation d?un syst?me de lavage puissant, permettant un gain de
temps lors de la toilette p?riton?ale.L?aspiration gastrique est
poursuivie pendant trois ? quatre jours. L?alimentation est reprise
pr?cocement sans complication. La dur?e d?hospitalisation est de 4
jours, comparable ? celle d?crite dans la litt?rature (1, 16). Apr?s un
recul de 16 mois, aucune complication pari?tale ou fonctionnelle, n?a
?t? observ?e. En effet, dans un contexte de chirurgie digestive en
urgence, la voie d?abord laparoscopique semble r?ellement apporter des
avantages certains. Cette voie d?abord n?est pas d?labrante pour la
paroi et permet d??viter d??ventuelles complications septiques. Elle
permet d??viter la survenue d??ventrations dont la fr?quence varie de
2,5 ? 11 % apr?s laparotomie (17). La laparoscopie r?duit les douleurs
postop?ratoires (18) et assure pendant la p?riode postop?ratoire une
meilleure fonction ventilatoire (19). Elle diminue ?galement les
risques d?infection pulmonaire (18) et facilite la reprise pr?coce
d?une activit? professionnelle (20).Lorsque l?exploration de la cavit?
p?riton?ale est incompl?te, que la toilette p?riton?ale s?av?re
difficile en cas d?adh?rences rendant la dissection dangereuse, la
conversion en laparotomie devient n?cessaire afin de privil?gier le
principe th?rapeutique de la chirurgie avec un maximum d?efficacit? et
un minimum de risque pour le malade.
CONCLUSION
Le traitement laparoscopique d?une perforation ulc?reuse duod?nale
peut ?tre appliqu? d?embl?e ? la majorit? des patients. Le but
principal est de traiter la p?ritonite et la perforation par suture
simple, qu?il s?agisse d?une perforation inaugurale ou survenant dans
un contexte de maladie ulc?reuse chronique. Il est d?montr? que cet
objectif est atteint sans augmenter la morbidit? et la mortalit? par
rapport ? celles de la chirurgie conventionnelle, en am?liorant le
confort du patient et en respectant son capital pari?tal. La dur?e
d?intervention pour les ?quipes rompues ? cette technique, n?est plus
un ?cueil. L??radication syst?matique de l?H?licobacter pylori semble
maintenant n?cessaire. Un choc septique ou un d?lai de prise en charge
trop tardif demeurent encore les indications ? une laparotomie d?embl?e.