La demande de transplantation dépasse l’offre de très loin. Comment répartir les cœurs, reins et autres foies à disposition?
La situation est frustrante. Progrès de la médecine aidant, les cas se multiplient où des patients peuvent être sauvés par une greffe d’organes. Mais l’offre ne suit pas la demande.
Alors que le nombre de patients en attente d’une transplantation a doublé en Suisse en dix ans pour passer de 468 en 2000 à 996 en 2009, le nombre de donneurs ne s’est élevé dans le même temps que de 178 à 212 et celui des bénéficiaires de 402 à 466.
En attendant de sortir de cette situation de pénurie, on peut se demander si les organes disponibles sont distribués de manière optimale. Le problème sera évoqué parmi quelques autres ce mercredi à Hermance lors d’un symposium intitulé «Ethique et politique en matière de transplantation d’organes».
Le droit suisse est très précis en la matière. La loi fédérale sur la transplantation d’organes, entrée en vigueur en juillet 2007, défend le principe de non-discrimination et stipule que «les personnes domiciliées en Suisse doivent être traitées de manière égale».
Dans ce cadre, trois critères sont retenus pour décider d’une attribution: l’urgence, les chances de réussite (l’«efficacité» médicale) et la durée de l’attente déjà subie par le patient.
Les critères retenus ont le mérite de prévenir les dérapages les plus grossiers. «La loi interdit de discriminer les patients sur une base sociale, en privilégiant par exemple les chirurgiens ou les politiciens, se réjouit Philippe Morel, médecin-chef du service de chirurgie viscérale aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Elle empêche aussi, ce qui serait encore plus grossier, d’avantager le donateur d’une fondation ou d’un hôpital.» De manière générale, ajoute Samia Hurst, professeure à l’Institut d’éthique biomédicale de l’Université de Genève, «la loi présente l’avantage de remettre l’église au milieu du village, en basant sur des critères physiques une décision rendue nécessaire par notre faiblesse physique».
Ces premiers critères ne sont pas aussi faciles à gérer qu’il y paraît. «Il existe entre eux des tensions, remarque Samia Hurst. L’accent placé sur l’urgence est important. Mais il peut s’exercer au détriment de l’efficacité.
Un patient en état médical instable n’offre pas les meilleures chances de réussite. Si l’on voulait sauver le plus grand nombre possible de personnes avec les organes à disposition, on ne grefferait que des personnes en condition stable.»