Après des débuts difficiles, la thérapie génique reviendrait-elle au premier plan ? Une belle victoire vient en tout cas d’être annoncée par des scientifiques. Un jeune homme atteint de β-thalassémie, la maladie génétique la plus courante au monde, aurait été guéri grâce à cette technique.
Chez les personnes en bonne santé, l’hémoglobine est présente principalement dans les globules rouges. C'est un complexe protéique composé de deux chaînes α et de deux chaînes β. Sur chacune, un atome de fer qui donne cette couleur rouge au sang assure la fixation et le relargage de l’oxygène. L’hémoglobine est donc essentielle au transport de l’oxygène.
La β-thalassémie, aussi appelée maladie des globules rouges, est une forme d’anémie héréditaire qui touche chaque année 200.000 enfants à la naissance. Maladie récessive, elle est caractérisée par une mutation portée par les deux chromosomes 11 parentaux, qui entraîne l’altération de la chaîne β de l’hémoglobine. Dans ces conditions, le complexe protéique de l’hémoglobine ne se forme pas correctement et le transport de l’oxygène est alors altéré.
D’un point de vue clinique, sans traitement, la maladie est souvent mortelle avant l’âge de 8 ans. Des transfusions sanguines régulières sont nécessaires pour palier l’anémie, un traitement lourd et non curatif mais qui rallonge considérablement l'espérance de vie.
Comme toute maladie génétique, seule une modification du gène altéré permet d’en guérir. Des transplantations de cellules souches ont déjà été couronnées de succès, mais le manque de donneurs compatibles est un vrai frein à son expansion.
Une équipe de chercheurs, dont Philippe Leboulch (CEA, Inserm, Harvard Medical School) ont tenté une autre méthode : la thérapie génique, soit l’insertion d’un gène médicaments dans les cellules du patient, une méthode qui avait fait ses preuves sur la souris.
Une thérapie reproductible ?
Ce projet, publié dans le journal Nature, a été réalisé sur un jeune homme de 18 ans atteint de la maladie et bien sûr volontaire. Ce patient, atteint de β-thalassémie βE/β0, possède un gène permettant la synthèse d’un β-globine instable et un gène non fonctionnel.
Il y a maintenant 3 ans, Marina Cavazzana-Calvo, de l’université Paris-Descartes, a prélevé des cellules souches de la moelle osseuse du patient, qui donnent naissance aux cellules sanguines et notamment aux globules rouges.
Ces cellules ont été mises en culture avec un vecteur de type lentivirus contenant la version saine du gène de la β-globine. L’infection par le lentivirus, qui ressemble au virus du Sida, entraîne l’insertion du génome viral dans le génome de la cellule et avec lui le gène sain.
Les cellules possédant le gène médicament ont ensuite été réintroduites dans la moelle osseuse du patient. Environ un an après la transplantation et grâce à l’augmentation constante du taux de β-globine, les transfusions sont devenues inutiles. Malgré une légère anémie résiduelle, la vie du jeune homme, aujourd’hui âgé de 21 ans, s'est réellement améliorée.
Mais cette réussite est nuancée : la protéine HMGA2 liée au développement de certains cancers est surexprimée dans certaines cellules transplantées, probablement à cause du site d’insertion du gène médicament.
Pour des chercheurs qui n’ont pas participé aux travaux, cet événement pourrait à la fois être à l’origine de la guérison en favorisant la survie des cellules, mais également devenir un danger pour le patient. Selon eux, il s’agirait d’une guérison survenue suite à des circonstances heureuses et non contrôlées.
Si la thérapie génique est loin d’être sans risque pour l’instant, une étape importante a néanmoins été franchie. L’augmentation significative du taux de β-globine est une victoire en soi et devrait mener à des essais thérapeutiques sur une dizaine d’autres patients.