La peur est une réponse adaptative essentielle à la survie de nombreuses espèces. Cette adaptation comportementale peut être innée ou bien être la conséquence d'un apprentissage au cours duquel un animal apprend qu'un stimulus prédit un évènement désagréable.
De nombreuses données indiquent que l'amygdale, une structure particulière du cerveau, est fortement impliquée au cours de l'apprentissage de la peur dite apprise. Cependant les circuits neuronaux sous jacents restaient encore largement inconnus jusqu'à présent.
Aujourd'hui, les travaux associant plusieurs équipes suisses, allemandes et un chercheur de l'Unité Inserm 862 à Bordeaux -Neurocentre Magendie-, ont permis d'identifier pour la première fois des circuits neuronaux distincts au sein du noyau central de l'amygdale, spécifiquement impliqués dans l'acquisition et le contrôle des réponses comportementales de peur. Le détail de ces résultats est publié dans la revue Nature, datée de Novembre 2010.
Dans cette étude, des souris de laboratoires ont tout d'abord été soumises à une tâche comportementale simple qui consiste à apprendre qu'un stimulus sonore prédit l'arrivée d'un évènement désagréable. A la suite de cet apprentissage la présentation du stimulus sonore induit un ensemble de manifestations comportementales de peur telles qu'une immobilisation des animaux.
Grâce à l'utilisation de techniques pharmacologiques et optogénétiques très novatrices, les chercheurs ont mis en évidence que les noyaux central et médian de l'amygdale centrale étaient différentiellement impliqués dans l'apprentissage et la manifestation comportementale des réponses de peur.
En effet, en inactivant la partie latérale du noyau central de l'amygdale les chercheurs ont pu montrer que les animaux n'apprenaient plus l'association entre le son et l'évènement désagréable. Au contraire, l'inactivation de la partie médiane de ce noyau ne perturbait pas l'apprentissage de la peur mais ne permettait plus aux animaux une manifestation comportementale de la peur, c'est à dire une immobilisation.
Dans une deuxième étape, l'enregistrement en temps réel de l'activité des neurones de l'amygdale centrale latérale et médiane grâce à des techniques électro physiologiques uniques a permis aux chercheurs d'identifier au sein de ces structures quels étaient les neurones spécifiquement impliqués dans l'apprentissage et la manifestation comportementale des réponses de peur.
Ces neurones sont des cellules inhibitrices qui font partie de circuits neuronaux très organisés et fortement interconnectés et dont les modifications d'activité permettent la sélection des réponses comportementales de peur pertinentes en fonction de la situation environnementale.
Les travaux définissent ainsi l'architecture fonctionnelle des circuits neuronaux de l'amygdale centrale et leur rôle dans l'acquisition et la régulation des comportements de peur. L'identification précise des circuits neuronaux contrôlant la peur représente un enjeu clinique majeur.
En effet les patients souffrant de pathologies, telles que le syndrome de stress post-traumatique ou encore les troubles anxieux présentent des dérégulations de certains circuits neuronaux qui conduisent à des réponses comportementales anxieuses inadaptées.
La manipulation sélective des circuits neuronaux identifiés par des nouvelles approches thérapeutiques qui restent encore à développer pourraient ainsi permettre de réguler les manifestations pathologiques de peur chez ces patients.