Des mécanismes jusqu'alors inconnus impliqués dans la forme de myopathie la plus fréquente de l'adulte, la maladie de Steinert, ont été découverts pour la première fois à l'aide de cellules souches embryonnaires porteuses de l'anomalie génétique à l'origine cette pathologie.
Ce travail pourrait déboucher sur des pistes thérapeutiques pour cette dystrophie musculaire pour laquelle il n'existe aucun traitement curatif, souligne Cécile Martinat (Inserm).
La dystrophie myotonique de Steinert est la plus fréquente des dystrophies musculaires de l'adulte. L'annonce de ces résultats, publiés jeudi dans la revue spécialisée américaine "Cell Stem Cell", intervient dans le contexte polémique d'une révision des lois de bioéthique en cours.
La recherche française sur les embryons et les cellules souches embryonnaires est en effet placée sous un régime d'interdiction avec des dérogations, au grand dam des chercheurs.
"Nous avons bon espoir de rentrer dans le droit commun comme en Grande-Bretagne ou en Espagne, avec le texte qui sera examiné la semaine prochaine au Sénat" qui prévoit une autorisation encadrée, sous le contrôle de l'Agence de Biomédecine, a relevé Marc Peschansky, directeur de l'I-Stem (Institut des cellules souches pour le traitement et l'étude des maladies monogéniques), co-responsable de cette recherche, soutenue par le Téléthon.
Grâce à ces cellules embryonnaires (hES) issues de diagnostic préimplantatoire (DPI), provenant de Belgique, les chercheurs ont pu identifier deux gènes, quasi absents dans les cellules malades. Ils passent à présent au tamis du "criblage de médicaments" des milliers de molécules en quête de la "pépite d'or" susceptible de corriger le défaut génétique de la maladie.
La maladie de Steinert désorganise tous les mouvements et comporte l'atteinte de nombreux autres organes (rythme cardiaque, sommeil, comportement, cataracte, anomalies endocriniennes...).
"Nous avons mis en contact des neurones moteurs malades, obtenus à partir des cellules souches, avec des cellules musculaires et constaté qu'ils n'arrivaient pas bien à se connecter à leur cible, le muscle", explique Cécile Martinat. "On a identifié 2 gènes impliqués dans la mise en place des prolongements neuronaux, SLITRK 2 et 4" destinés à établir la connexion, ajoute la jeune chercheuse. Or "ces deux gènes sont quasi absents des cellules malades".
Ces travaux ouvrent un vaste champ d'exploration d'autres maladies génétiques grâce aux banques de cellules embryonnaires malades. Les équipes d'I-Stem sont déjà lancées dans la maladie de Huntington ou la neurofibromatose.
Les cellules souches embryonnaires peuvent être produites en grande quantité et se transformer en cellules spécialisées dans tous les types cellulaires de l'organisme.
Elles sont "parfaitement physiologiques, contrairement aux cellules reprogrammées à partir de cellules d'adulte, les iPS", qui partagent les propriétés des cellules souches embryonnaires, note le Pr Peschansky. Les iPS sont des "organismes génétiquement modifiés" qui rendent délicate l'interprétation des résultats.
"Les iPS permettent de travailler sur des mécanismes déjà connus. Alors que pour la première fois nous apportons la démonstration scientifique que l'on peut découvrir des mécanismes inconnus d'une maladie avec les cellules souches embryonnaires", dit-il en réponse à ceux qui dénient l'intérêt de ce type de cellules comme la Fondation Jérôme Lejeune.