Des antibiotiques pourraient suffire chez une majorité de patients.
Jusqu'ici, l'équation semblait inéluctable: appendicite égale chirurgie. Mais de plus en plus de spécialistes sont convaincus qu'un traitement antibiotique pourrait être une alternative à l'intervention chez la majorité des patients. Une étude française, publiée vendredi dans The Lancet, amène de nouveaux arguments à ce débat de santé publique.
«Le fait que deux tiers des malades peuvent éviter une opération mérite plus d'attention», insiste Rodney Mason, chirurgien à l'université de Californie (Los Angeles) dans un éditorial intitulé «Appendicite: la chirurgie est-elle la meilleure option?». Les chirurgiens français sont mesurés, montrant que l'appendicectomie est encore le traitement de référence.
Fortes disparités
Fréquente chez l'enfant et en augmentation chez les adultes de plus de 50 ans, l'appendicite aiguë se révèle souvent par des douleurs dans la partie droite du bas-ventre, avec des nausées et de la fièvre, dans la forme classique. Dans les cas typiques, le diagnostic repose sur l'examen clinique. L'imagerie et en particulier un scanner sont demandés en cas de doute.
Dans les années 1980, 300.000 appendicectomies étaient pratiquées annuellement en France; en 2009, il y en a eu moins de 90.000. Cette diminution nette est due en partie à l'amélioration du diagnostic grâce aux progrès de l'imagerie.
Les appendicectomies restent toutefois beaucoup plus fréquentes dans l'Hexagone que dans la plupart des pays d'Europe, selon la Fédération hospitalière de France, qui souligne aussi de fortes disparités régionales. Pourrait-on faire autrement?
Ces dernières années, quatre études randomisées ont suggéré que les antibiotiques pouvaient être aussi efficaces que le bistouri pour les formes non compliquées d'appendicite, mais leur méthodologie était fragile, estime le Pr Corinne Vons (service de chirurgie de l'hôpital Jean-Verdier, Bondy), premier auteur de l'article publié dans The Lancet.
Avec ses collègues de cinq autres hôpitaux de l'Assistance publique, elle a mené un essai incluant 240 adultes souffrant d'appendicite a priori sans complications. À l'issue d'un tirage au sort, 120 ont été opérés tandis que les 120 autres recevaient 3 à 4 grammes/jour d'un antibiotique, l'Augmentin, en comprimés ou par voie injectable en cas de troubles digestifs. Dans un délai d'un mois, les péritonites post-thérapeutiques ont été plus fréquentes (9 cas) dans le groupe traité par antibiotiques que parmi les patients opérés d'emblée (2 cas).
Et au total, parmi les 120 personnes sous antibiotiques, 14 ont eu une appendicectomie dans le mois suivant et 30 autres dans un délai d'un an. À première vue, cet essai n'est donc pas en faveur du traitement médical. «Statistiquement, nous n'avons pas réussi à démontrer que les antibiotiques font aussi bien que la chirurgie, reconnait le Pr Vons.
Mais nous avons espoir de faire mieux lors d'un prochain essai, car dans notre étude des patients ayant une appendicite compliquée, non identifiée par le scanner, ont été inclus à tort. Les examens d'imagerie sont plus performants aujourd'hui.»
L'éditorialiste de l'article souligne par ailleurs que des résistances des colibacilles -germes les plus fréquents dans les appendicites- à l'antibiotique utilisé peuvent aussi expliquer certains échecs des traitements médicaux.
« Les antibiotiques peuvent sûrement permettre de soigner une partie des appendicites, mais il ne faut pas se tromper de diagnostic ni avoir affaire à des formes compliquées, estime pour sa part le Pr Philippe Wind, chef de service de chirurgie des hôpitaux Avicenne et Jean-Verdier.
Si on parvient à épargner 60 à 70% des interventions, il y aura un bénéfice pour les malades et la santé publique. Mais d'autres études sont nécessaires, avec un recul plus long, avant d'envisager de changer de stratégie.»