L'équipe de Hanna Debiec, chargée de recherche à l'Inserm et Pierre Ronco, directeur de l'unité mixte de recherche 702 -Remodelage et réparation du tissu rénal- (Inserm - UPMC) et chef de service de néphrologie et dialyses de l'hôpital Tenon (AP-HP) a identifié l'albumine bovine, un antigène alimentaire apporté notamment par le lait de vache, comme étant la cause d'une maladie rare du rein chez l'enfant de moins de 5 ans.
Difficile à traiter, cette maladie peut mener à une insuffisance rénale nécessitant le recours à la dialyse ou à la greffe.
Cette découverte met l'accent sur le risque alimentaire chez le jeune enfant où l'antigène a été retrouvé dans les dépôts rénaux qui caractérisent la maladie. Les travaux des chercheurs sont publiés dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 2 juin 2011
La glomérulonéphrite extra membraneuse est une maladie rare qui touche les reins, ces organes vitaux qui filtrent le sang. Dans cette maladie, certains anticorps, des immunoglobulines, se déposent dans les glomérules, les structures qui filtrent le sang et produisent l'urine.
La paroi des capillaires et les cellules qui la tapissent, composent le filtre glomérulaire qui va être -attaqué- par ces dépôts. Dans 85 % des cas, les causes de la maladie sont indéterminées : elle est dite idiopathique.
Hanna Debiec et Pierre Ronco viennent d'identifier l'albumine bovine comme étant un antigène en cause dans les formes de la maladie du jeune enfant de moins de 5 ans.
L'albumine bovine provient de l'alimentation et plus particulièrement du lait de vache naturel ou dont les composants sont incorporés dans certaines formules industrielles.
Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié une population de 222 personnes dont 50 patients atteints de glomérulonéphrite extra membraneuse. Ils ont montré la présence d'albumine bovine non digérée et d'anticorps reconnaissant cette protéine dans le sérum de 11 patients malades dont 4 enfants âgés de moins de 5 ans.
De façon inattendue, et uniquement chez l'enfant, cette albumine porte des charges électriques positives qui favorisent son dépôt dans la paroi des capillaires glomérulaires chargée négativement.
C'est pourquoi les anticorps viennent ensuite réagir avec l'albumine déposée, ce qui induit les lésions, explique Hanna Debiec, chargée de recherche à l'Inserm.
Ces résultats impliquent pour la première fois un antigène alimentaire dans les glomérulonéphrites extra membraneuses.
Les raisons pour lesquelles l'albumine bovine est modifiée et absorbée sans être digérée restent obscures. Les chercheurs suggèrent que certaines méthodes de préparation industrielle peuvent la rendre partiellement résistante à la dégradation par les enzymes du tube digestif.
La flore intestinale peut également jouer un rôle tout comme la perméabilité de la barrière intestinale aux protéines qui est plus grande chez le jeune enfant et peut être accrue par les infections digestives.
Nous poursuivons nos recherches car il est possible que d'autres antigènes de l'environnement puissent être en cause chez l'enfant comme chez l'adulte. Les identifier permettrait d'envisager des solutions pour prévenir ou traiter la maladie, par exemple par un régime adapté souligne Pierre Ronco.
Comment évolue la glomérulonéphrite extra membraneuse ?
Les lésions du filtre glomérulaire engendrées par les dépôts d'anticorps, favorisent le passage anormal dans les urines de protéines de gros diamètre, comme l'albumine qui a un rôle important : gérer la répartition des liquides dans le corps.
La baisse de la concentration de cette protéine dans le sang entraine alors une accumulation de sel et d'eau en dehors des cellules, provoquant des œdèmes. Dans les cas avancés, les glomérules et le reste du tissu rénal sont envahis par une fibrose importante, compromettant le fonctionnement du rein.
A terme, la glomérulonéphrite extra membraneuse peut engendrer une insuffisance rénale grave qui, au stade terminal, nécessite le recours à la dialyse ou à la transplantation.
La maladie récidive dans près de 40 % des cas sur le rein greffé. Chez l'enfant, elle est plus rare que chez l'adulte, ne représentant que 2 % des maladies identifiées par la biopsie.